Des camps aux états unis – Ursula K. le Guin – Coordinateurices d’intimité au ciné

Kiku Hughes – Les indésirables (roman graphique)

Kiku a 16 ans. Américano-japonaise, elle se sent déconnectée de son héritage japonais et en sait peu sur l’histoire de sa famille qui cultive le secret. Alors qu’elle est en vacances avec sa mère à San Francisco, elle se retrouve brusquement dans les années 1940, propulsée dans un des camps qui a fleuri sur le territoire américain au lendemain de Pearl Harbor. Pasrquée, Kiku partage le quotidien de sa jeune grand-mère et de 120 000 citoyens nippo-américains déchus de tous leurs droits civiques par leur propre gouvernement, car accusés d’être des ennemis de la nation…

Ursula K. Le Guin – Tehanu, quatrième tome de la saga Terremer (roman fantasy)

A Terremer, la magie existe. Par elle, les sorciers peuvent façonner des montagnes, canaliser des tremblements de terre, tailler une bavette avec un dragon et même faire une ballade pas définitive au pays des morts. La saga suit un apprenti-mage nommé Ged, Héro avec un grand H, au cours de sa Quête Initiatique constituée de moultes Péripéties qui feront appel à son Courage et à sa Sagesse pour apprendre une Leçon. En gros, la même que pour Spider Man : un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, l’équilibre, le bien, le mal, tout ça. Et dès la page 9 du tome 1 (très vite, donc), on apprend que de gérer de telles subtilités morales, c’est nécessairement une affaire masculine. Les femmes peuvent avoir des pouvoirs, ok, mais jamais en saisir les profondeurs et la portée. C’est pour ça qu’on les laisse volontiers soigner les angines blanches et éloigner les maladies des haricots du potager, mais que les montagnes, les séïsmes, les dragons et l’au-delà, c’est Niet. 

Ah.

Oui. Ouvrir Terremer et s’attendre à y trouver de la fantasy féministe, c’est s’exposer à un drôle de malentendu. Et pourtant, et pourtant ! Il y a un truc ici dont il faut que l’on discute. Quinze ans après que Ged ait fini d’être tout à fait Héroïque, sa créatrice Ursula K Le Guin reprend la direction de son archipel imaginaire. En quinze ans, son regard a changé. Terremer est resté la même, mais Le Guin, elle, a bougé. Les erreurs ne sont pas reniées, on retrouve les lieux, les personnages, on regarde les mêmes choses – mais plus du même endroit. Et entre ces lignes là se cache un truc qui à coup sûr est important, une posture dont on peut, peut-être, apprendre quelque chose, et qui parle de ce que le monde fait à notre regard, de ce à côté de quoi on peut passer, mais aussi et des longs chemins que l’on parcourt et que l’on accepte de regarder pour ce qu’ils sont. Parlons donc de Tehanu, le quatrième tome de la saga.

Pour aller plus loin : la Théorie de la fiction-panier (5 pages) d’Ursula K .Le Guin, mentionné dans cet épisode et dont des extraits ont été lus dans l’épisode de Sans Rancune de décembre de 2023.

Le monde du cinéma se fait l’écho depuis quelques années des luttes féministes, notamment en dénonçant les violences sexuelles et racistes subies par celles qui y travaillent. En 2017 Harvey Weinstein, producteur américain est accusé de harcèlement, d’agressions sexuelles
et de viols. Ce scandale lance le mouvement #me too qui permet à de nombreuses victimes partout dans le monde de sortir du silence. En France, de Aïssa Maïga à Adèle Haenel, des actrices ont aussi dénoncé le sexisme et le racisme présent au cinéma comme ailleurs, elles ont pris la parole et continuent de lutter pour l’arrêt des violences sexistes, sexuelles et/ou racistes, et pour que le milieu du cinéma arrête de couvrir des agresseurs comme Roman Polanski et aujourd’hui Gérard Depardieu.

Et pour que les lignes bougent, il faut aussi changer la manière dont la sexualité est pensée, représentée et mise en scène dans les fictions à l’écran. C’est ce que pourrait permettre ce métier émergeant de coordinateur/coordinatrice d’intimité. Leur présence sur les tournages permet de vérifier que les actrices et acteurs ont bien été briefé.e.s sur les scènes à tourner, les préparer, les chorégraphier, et prendre le temps d’en parler autant que nécessaire, et donc amener une culture du consentement à l’écran ! Et pour présenter ce métier on vous conseille de regarder le documentaire « Sex is comedy, la révolution des coordinatrices d’intimité » réalisé et écrit par Edith Chapin et Iris Brey accessible sur France TV.

Playlist:

Molly Nilson – Dinosaur Tears

The Butchies – Sex (I’m a lesbian)

Crédits :

Musique du générique : Caterina Barbieri – At your Gamut 

Illustration : Barbara Regina Dietzsch

Merci à Quignon et à Morgan pour la technique. C’était notre premier direct !!!